Cartographier la production de spiritueux français, telle est la mission de Monsieur Baco. Pour autant, mettre à l’honneur les producteurs sans mentionner les points de vente où leurs produits peuvent être achetés serait une mission à sens unique. Aussi, intéressons-nous donc à l’une des toutes dernières enseignes à avoir vu le jour dans la capitale des Gaules. Quand Gaëtan Costecalde a fait le choix d’ouvrir sa cave l’Art des Choix, il a également fait le choix de mettre à l’honneur les spiritueux français, l’univers du bar ainsi que les vins et produits d’Ardèche, sa région.
Après une quinzaine d’années passées à évoluer dans le monde du bar au sein d’établissements prestigieux (Chef de bar au Sofitel de Lyon 5*, à l’Hôtel Royal, palace à Evian ainsi qu’au Baràgones du groupe èHôtels à Lyon…) Gaëtan a rendu son tablier et décidé d’ouvrir sa cave l’Art des Choix.
Le choix d’un retour aux sources
Pourquoi l’Art des Choix ?
« Parce que je viens d’Ardèche tout simplement ! L’idée c’était de mettre en avant les produits ardéchois au niveau des vins et de l’épicerie fine et d’essayer de travailler sur les spiritueux, sur le territoire français le plus possible et sur tout ce que l’on peut trouver en France, sur le côté local et français. Je voulais retrouver une vie personnelle un peu plus stable en termes d’horaires. Donc cela me permet de continuer ma passion tout en faisant une cave un peu différente de ce que l’on peut trouver d’habitude ».
Le Covid a selon lui permis de remettre les boussoles sur le droit chemin en réinterrogeant nos modes de consommation et notre rapport au local.
« On sort de 2 années très difficiles avec le covid et je trouve que l’on a un besoin de remettre un peu en avant le patrimoine et le savoir-faire français. C’est également dans l’air du temps car les gens cherchent à consommer local, à découvrir ce qui se fait dans la région. Avec le covid on peut-être plus pris conscience de ce que l’on avait en France et qu’il fallait un peu plus soutenir nos distillateurs, nos agriculteurs et ce qu’il y a autour. Nous avons également beaucoup d’embouteilleurs en France, plus d’une centaine de distilleries de whisky ».
Le choix de la polyvalence
Côté gamme
La cave l’Art des Choix n’a pas encore soufflé sa première bougie qu’elle compte déjà environ 700 références venant de France et de l’étranger : entre 70 et 80 gins, entre 100 et 150 rhums, 100 et 150 whiskies, quelques cognacs, armagnacs, calvados, eaux-de-vie diverses ainsi que des spiritueux plus exotiques comme la cachaça, le pisco ou encore le mezcal. La cave étant orientée cocktails, les liqueurs, bitters ne sont pas en reste non plus.
Si la gamme penche clairement du côté des spiritueux, il est également possible de dénicher de jolis vins d’Ardèche et de la région Lyonnaise (Beaujolais, Rhône) ainsi que des produits apéritifs ardéchois.
Papilles en folie
À la cave l’Art des Choix, les sens des clients sont régulièrement sollicités. Qu’il s’agisse d’un échantillon de la dernière pépite pour venir à bout des réticences et des préjujés d’un client frileux ou d’une dégustation informelle conduite par un producteur local, les occasions sont nombreuses pour goûter et élargir ses horizons.
En plus de la vente, Gaëtan organise régulièrement des ateliers dégustation autour des cépages autochtones d’Ardèche et des ateliers cocktails ou les participants mettent la main à la paille.
« Les ateliers cocktails sont prévus pour 4 à 10 personnes. On va faire 3 cocktails différents pour un montant de 39€. Ce qui me semble être un prix cohérent par rapport au prix de 3 cocktails en bar. L’idée est de faire 3 cocktails classiques. Dans le premier cours on est toujours dans l’initiation et le but est de pouvoir retranscrire ce que l’on a appris facilement à la maison. On peut aussi prendre l’option à 49€ par personne et qui comporte un buffet de charcuterie et de fromage ».
Il est également possible de venir avec des demandes particulières.
« C’est vraiment cousu main. Soit les clients me laissent libre choix, soit ils viennent avec leurs propositions ».
Et pour prolonger l’expérience chez soi, il est également possible d’acheter son matériel pour reproduire les cocktails appris en atelier. En effet, l’Art des Choix est la première cave à Lyon à vendre du matériel de bar professionnel aux particuliers.
Un marché et des tendances en évolution
Une offre française d’une grande richesse
Entre le vieux monde (« digestifs », liqueurs) et le nouveau monde (gin, rhum, whisky français, embouteilleurs indépendants), le territoire français offre un terrain de jeux assez unique. Si le rhum et le gin ont le vent en poupe, notamment grâce à des tarifs d’entrée de gamme plus attractifs que le whisky, les vieux alcools français tels que le cognac et l’armagnac amorcent depuis quelques années une douce remontée.
« On a quand-même une diversité en France qui fait que l’on peut initier les gens sur plein de styles de spiritueux différents. On a beaucoup d’anciens spiritueux un peu oubliés qui reviennent au goût du jour. Aujourd’hui les jeunes s’intéressent plus au cognac ou à l’armagnac qu’avant. On a tout ce qu’il faut pour réussir à mettre en avant tout cela. C’est à nous, cavistes, d’avoir ce rôle-là d’ambassadeurs, de faire découvrir ces produits à notre clientèle petit à petit. Après c’est vrai que cette tendance reste timide mais cela passe aussi par des maisons qui rajeunissent un peu l’image de ces alcools avec notamment des choses plus modernes en termes de packaging. La clientèle change et cherche des bouteilles un peu plus graphiques. Il faut pouvoir leur donner envie d’aller dessus. On n’est pas encore à l’aboutissement de ce que l’on peut faire sur ces produits-là mais ça se fait petit à petit. Avoir 2-3 échantillons à disposition pour leur faire mettre le nez dans un armagnac, ou un rhum avec une finition en fût de cognac ou de calvados permet aussi de faire la passerelle. Grâce à ces finitions, on peut les amener aussi plus facilement sur des alcools moins tendance ».
Le sucre, un tropisme français
Que ce soit en bar ou en cave, Gaëtan constate que la clientèle a du mal à se défaire d’un certain tropisme pour les cocktails et alcools sucrés comme en témoigne l’engouement pour les rhums de tradition hispanique.
« Sur la dégustation pure ou en cocktail, les gens cherchent encore beaucoup le sucre. Je le vois aussi à travers mes ventes de rhums, on va vendre beaucoup plus facilement des rhums hispaniques de la même façon qu’on va vendre davantage de cocktails sucrés aux fruits rouges en bar. En Angleterre, les gens boivent beaucoup plus de Dry Martini, des Manhattan… En Italie, ils boivent pas mal d’Americano, de Negroni. Nous avons encore cette tendance à boire très sucré. C’est à nous d’éduquer notre clientèle à boire différemment. Dans l’esprit des gens, « agricole » est encore synonyme d’alcool fort, de quelque chose qui brûle la gorge ».
La place particulière de la pâtisserie dans la culture gastronomique française serait-elle la raison pour laquelle nous sommes habitués à boire sucré ?
Les coups de cœur de Gaëtan
Les rhums
« Ma plus belle découverte ces dernières années c’est Twelve qui sont basés à Laguiole dans l’Aveyron. Leurs rhums bruts de fûts sont toujours des merveilles à découvrir ».
« L’intemporel pour moi restera Ferroni en France. Dès qu’ils sortent des Dames-jeannes ou des bruts de fût c’est exceptionnel. En ce moment à la maison je suis en train de boire un Grand Arôme, à chaque fois que j’y met le nez dedans je trouve ça fou. Il y a une longueur et une aromatique… Ce sont des bruts de fûts mais ça ne brûle jamais. Tu te lèches les lèvres avec et tu as une profondeur aromatique qui est juste géniale avec plein de trucs à aller chercher ».
Les whiskies
« J’aime beaucoup aussi Ninkasi sur l’ultra-local, notamment leur single casks qui sont fantastiques. Après si l’on veut se faire plaisir, pour moi, LA distillerie Française reste quand-même le Domaine des Hautes-Glaces. C’est du parcellaire, il y a un vrai travail, après c’est sûr que les tarifs montent un peu ».
L’armagnac
« Pour l’armagnac, j’adore Armin. Le 6 ans d’âge va être top cet été pour faire des armagnac tonic, le 10 ans c’est un petit bonbon ».
Les gins
« En gin, je bosse beaucoup sur du local. J’ai ouvert ma cave quasiment en même temps que la Distillerie du Rhône donc ça fait une sorte de lien. On travaille beaucoup ensemble, je trouve qu’ils distillent super bien et que leurs produits sont top. Il y a également le gin de la Distillerie Saint-Gervais Mont-blanc, l’Eau-des-vivants dans le Beaujolais. Il y a aussi la Distillerie Vert de Cœur qui s’est installée du côté de Roanne. Les packagings sont cool, il fait aussi une liqueur de morille, la liqueur 108…gros travail quoi. Ça fait partie des distilleries qui ont un bel avenir et seront ancrées pour un petit moment dans la région ».
Les liqueurs
« On a des choses qui marchent toujours comme Eyguebelle. Leurs coirons, leur liqueur de mandarine ont un bel avenir également et ils font des magnums de liqueur. On a beaucoup cette image de chartreuse dans la région, mais leurs stocks sont limités. Le coiron vert d’Eyguebelle est une belle alternative avec des plantes d’Ardèche en plus ! »
Ce qu’il faut retenir
La cave l’Art des Choix est une nouvelle cave située dans le 6ème arrondissement lyonnais. Après 15 ans passés à travailler dans le monde du bar, au sein d’établissements prestigieux, Gaëtan a décidé d’allier le meilleur des deux mondes en ouvrant une cave mettant l’accent sur les spiritueux français et le matériel de l’univers du bar. Il est possible de s’inscrire à des ateliers pour apprendre à réaliser des cocktails chez soi. Mais les spiritueux ne sont pas les seuls produits proposés par Gaëtan. En effet, ce dernier a également développé une petite gamme de vins et de produits apéritifs d’Ardèche, sa région natale. Concernant l’évolution du marché des spiritueux français, Gaëtan témoigne de la dynamique favorisant les alcools locaux et français et le lent retour en grâce des vieux alcools tels que le cognac ou l’armagnac auprès des jeunes. Il souligne aussi un goût français pour les alcools et cocktails sucrés et le rôle d’éducation des cavistes et barmen afin d’emmener les clients hors des sentiers battus.