Non, il ne s’agit pas d’une référence à Dune de Frank Herbert mais bien du portrait croisé de deux maisons sœurs aussi différentes qu’intéressantes. D’un côté Cognac Vaudon propose des eaux-de-vie plutôt florales et fruitées issues des Fins Bois, de l’autre, François Voyer des cognacs plutôt épicés, typiques de Grande Champagne. Et vous, êtes-vous plutôt fleur ou épice ?
Histoire
La maison Cognac Vaudon trouve ses origines vers 1771, date à laquelle, la distillation commence à être pratiquée. En 1913 l’aïeul de Pierre Vaudon, actuel dirigeant, remportait une médaille d’or sur une eaux-de-vie de 1811. La maison François Voyer a, elle, été fondée dans les années 1870. Depuis sa création, la maison distille et élève ses propres eaux-de-vie. C’est à partir des années 1960 que la maison embouteille et commercialise ses cognacs en son nom.
Aujourd’hui, la Maison François Voyer est rattachée au domaine de Pierre Vaudon, œnologue de formation et bouilleur de cru, rentré chez François Voyer en 2000. Il y assuré la fonction de maître de chai en développant la technique d’assemblage actuellement utilisée depuis 20 ans et la partie commerciale. Comme toujours dans l’industrie du cognac, les structures commerciales sont loin d’être simples aussi, les eaux-de-vie des deux maisons entrent dans les assemblages de la SARL de Bibardies qui centralise l’activité commerciale des deux marques.
Aujourd’hui, la structure reste un format familial et emploie 6 personnes en charge du développement commercial (la moyenne d’âge y est de 27 ans). Pierre Vaudon s’occupe de la distillation et des assemblages tandis que son épouse Anne-Marie occupe la fonction de Cheffe de culture.
Le vignoble
Le vignoble est constitué de 70 hectares de vignes d’ugni blanc répartis en Grande Champagne (8 hectares) et en Fins Bois (62 hectares), plus précisément à la frontière avec une aire que l’ancienne carte de 1909 mentionnait comme les ‘Premiers Bois’. Ces vignes donnent un profil légèrement plus puissant et floral aux cognacs. Pour plus d’informations sur les différents crus, vous pouvez vous référer à notre article sur les différences entre cognac et armagnac.
De la folle blanche a été réimplantée récemment et donnera les premiers jus dans quelques années.
Les sols
Les sols situés en Grande Champagne sont typiques de l’aire d’appellation avec des sols crayeux, profonds et enherbés de façon à obliger la vigne à descendre en profondeur pour capter l’eau. Les vignes connaissent peu de stress hydrique.
Les sols situés en Fins Bois sont pour leur part constitués de terres séchantes de 20-30 cm de profondeur sur des marnes bleues (argilo-calcaires) limitantes qui poussent également les racines à aller puiser de l’eau en profondeur.
Conduite du vignoble
Le vignoble est conduit selon la norme CEC (équivalent HVE pour l’appellation Cognac) qui tend vers une utilisation nulle de produits phytosanitaires avec une rationalisation des travaux et une quasi-élimination des désherbants.
Deux modes de culture sont utilisés : le palissage traditionnel et en cordon haut qui crée un effet parasol et permet de diminuer la température du sol ce qui peut améliorer la résistance de la vigne aux températures élevées.
Des machines à vendanger gardant peu de débris végétaux sont utilisées.
Vinification
La vinification est conduite par un pressurage pneumatique plutôt long et délicat. Un mélange de presses est créé afin d’obtenir un maximum de complexité aromatique. Une petite décantation post-pressurage est effectuée de façon à garder des jus sans résidus de terre ou de végétaux.
La fermentation s’effectue durant 5-6 jours maximum avec une température régulée de 24° (des températures plus fraîches exacerbent les notes de banane et de fraise tandis qu’une température plus élevée donne des notes de bouillon et de fruits mûrs).
Une fois la fermentation achevée, des cuves inox sont remplies avec les vins et les lies au maximum de façon à éviter le contact avec l’oxygène.
Distillation
Deux alambics datant de 1970 (chaudronnier Sauvaire) et de 1988 (chaudronnier Pruho) sont utilisés pour distiller. Le premier n’est utilisé que pour les bonnes chauffes car il donne des distillats plus fins (le chapiteau est plus ramassé, la qualité du cuivre, le foyer et la pipe de condensation sont différents).
Les distillations sont effectuées en cycle de 12 heures. Trois types de distillations sont conduites afin d’obtenir des styles différents : sans lies, avec les lies en fin de charge et avec les lies en surcharge. Plus la charge sera riche en lies, plus le distillat aura du corps et de l’épaisseur. A l’inverse, un distillat sans lies sera plus fin et floral. Les vins issus de Grande Champagne sont toujours distillés avec lies tandis que les Fins Bois peuvent être distillé avec ou sans lies.
Les eaux-de-vie distillées en fin de saison (février-mars) sont plus lourdes et plus rondes que les eaux-de-vie de début de saison, plus fraîches, sur le raisin même pour les premières.
Vieillissement et assemblage
Vieillissement
Chaque millésime est vieilli séparément à plein degré (69%). 15% environ des eaux-de-vie nouvelles rentrent en fûts neufs de chêne du Limousin ou Berçé de 36 mois. Au bout de 3 ans, tous les cognacs sont transférés en fûts roux. Les Grande Champagne sont placées en fût de chêne à gros grain tandis que les Fins Bois seront placés dans des fûts à grains fins et gros (une eaux-de-vie distillée sans lie ira dans du chêne à grain fin et vice-versa). L’évaporation annuelle est de 2% soit une diminution naturelle du degré de 0.5 à 2%vol suivant l’humidité du chai.
Une technique d’assemblage unique
Les assemblages sont des ‘coupes mères’ à 43% qui ont été créées dans les années 2000. Aujourd’hui, chaque assemblage est conduit en rajoutant des millésimes de l’âge de l’assemblage suivant une technique particulière d’incorporation et de réduction. En effet la variation du degré moyen de la coupe mère ne peut excéder 10%vol. Cela signifie que l’apport est mesuré et que la complexité de l’ensemble augmente chaque année par simple accumulation. Des ‘coupes filles’ interviennent un peu avant la mise en bouteille. Elles sont issues d’une filtration d’une partie de la coupe mère et d’un calage à 40%vol.
Aucun colorant n’est ajouté. En revanche un peu de sucre peut être ajouté en fonction des lots et des années.
La Gamme
La gamme François Voyer comprend 10 assemblages (du VS à la Collection Personnelle) ainsi que quelques expressions plus rares et expérimentales (bruts de fûts, finitions particulières, lots spécifiques…).
La gamme de Cognac Vaudon comprend quant-à-elle 4 assemblages (du VS au Extra) ainsi qu’un millésimé (1996) qui n’est plus disponible.
Commercialisation
Les ventes se répartissent de façon relativement homogène entre les marchés. La France représente 15% des ventes suivie par l’Europe (38%) et le grand export. En tout, la structure exporte les cognacs François Voyer et Vaudon vers une quarantaine de pays.
Pierre Vaudon note un certain succès vis-à-vis des primo-accédants. Selon lui, la France est un marché intéressant car mature, porté par un socle solide de connaisseurs et un culte de la recherche. Il note également une demande accrue sur des expressions plus particulières (lots, bruts de fûts…) à laquelle il faut être en mesure de répondre. La mixologie, secteur porteur pour l’ensemble des spiritueux a également été l’occasion de collaboration sur des fûts particuliers.
Les cognacs des deux marques peuvent être achetés en ligne sur des sites revendeurs tels que la Cognathèque.
Notes de dégustation
Des échantillons de 10cl ont été gracieusement fournis par le producteur. Les dégustations ont eu lieu deux par deux (un échantillon de chaque maison en parallèle) sur une durée de 30min à 1h dans les mêmes verres tulipes.
Vaudon – VS (2 à 3 ans), Fins Bois, 40° (33€)
Couleur : or, reflets ambrés.
Nez : assez expressif, s’ouvre sur des notes plutôt florales (tilleul, lilas) et fruitées (pêche, cerises noires, prune) accompagnées de notes de cassonade. Le second plan est plus épicé avec des notes de cannelle et de poivre long de java. Des notes plus résineuses de sève complètent l’ensemble à l’arrière-plan.
Bouche : l’attaque est plutôt ronde. Le milieu de bouche est plutôt floral (lavande) et fruité (confiture de pêche) accompagné de notes de tabac blond et d’une pointe de réglisse. La finale est de longueur moyenne, boisée avec quelques amers et une touche de poivre noir.
François Voyer – VS (2 à 3 ans), Grande Champagne, 40°
Couleur : or.
Nez : un peu moins expressif que le VS de Vaudon mais plus fin et vif. S’ouvre sur des notes plutôt épicées (curry madras, poivre blanc, un peu de muscade) et boisées. Au second plan, on trouve des notes d’amande et un registre plus herbacé (foin, fleurs séchées). Une touche de camphre complète l’ensemble à l’arrière-plan. Avec un peu d’aération, le nez s’enrichit de quelques notes de noisette et de chèvrefeuille.
Bouche : l’attaque est ronde et douce. Le milieu de de bouche est marqué par des notes de vanille, de châtaigne, de noisette et de chocolat au lait. Une trame finement boisée soutient l’ensemble l’ensemble. La finale est plutôt courte accompagnée par une pointe de réglisse.
François Voyer – Terres (Grande Champagne, 4 à 6 ans), 40° (38€ environ)
Couleur : ambre.
Nez : plutôt fin et floral à l’ouverture avec des notes de muguet et de lilas ainsi qu’une pointe de rose. Le second plan présente quelques notes fruitées (prune, touche de pêche) ainsi qu’un registre plus tertiaire présentant des notes de noisettes et d’épices (muscade, clou de girofle, cannelle). Une pointe de tabac et de caramel mou complète l’ensemble à l’arrière-plan. Avec de l’aération, quelques notes de poivre blanc se développent.
Bouche : l’attaque est modérée. Le milieu de bouche est marqué par des notes de quetsches, de pain toasté, de caramel et de café au lait. La finale est de longueur moyenne sur des notes de torréfaction.
Vaudon – VSOP (4 à 6 ans), Fins Bois, 40° (40€)
Couleur : ambre.
Nez : assez concentré, s’ouvre sur des notes de chocolat au lait, de pâte d’amande et de raisins secs. On trouve des notes d’abricot sec et de griottines au second plan, accompagnées par des notes de bois ciré et de pain grillé. Une trame florale (touche de violette) et légèrement mentholée parcourt l’ensemble.
Bouche : l’attaque est modérée, le milieu de bouche est voluptueux et présente des notes de violette et de noisette et de chocolat au lait fourré aux raisins secs. La finale est plutôt chaleureuse et de longueur moyenne sur des notes de poivre blanc et de réglisse.
François Voyer – VSOP (6 à 14 ans), Grande Champagne, 40° (47€)
Couleur : ambre.
Nez : un peu moins expressif d’entrée que le VSOP de chez Vaudon. S’ouvre sur des notes de cire d’abeille et d’encaustique. Le second plan présente des notes de camphre et de cèdre qui laissent progressivement la vedette à des notes plus fruitées (prune rouge, raisin frais, touche de bergamote) et fraîches (verveine, chèvrefeuille). Quelques notes de noisettes torréfiées complètent l’ensemble à l’arrière-plan.
Bouche : l’attaque est douce, le milieu de bouche est assez léger avec quelques notes de caramel, de pâte d’amande et de praliné noisette complétées par une touche de mandarine. La finale est de longueur moyenne.
François Voyer – Napoléon (10 à 20 ans), Grande Champagne, 40° (66€)
Couleur : ambre, reflets cuivrés.
Nez : s’ouvre sur un profil finement épicé (réglisse, camphre, gingembre), boisé et fruité (écorce d’orange, combawa, mangue). Le second plan présente un registre plus floral (chèvrefeuille, lys) ainsi que quelques notes de mures et de cerises noires. Des notes d’amande et de pain toasté complètent l’ensemble à l’arrière-plan.
Bouche : l’attaque est modérée. Le milieu de bouche est plutôt rond, suave avec des notes de sirop de vanille, de brioche à la fleur d’oranger, de caramel, de praliné noisette. La finale est plutôt longue et sur la réglisse et les fruits secs.
François Voyer – XO 1er cru (10 à 25 ans), Grande Champagne, 40° (87€)
Couleur : ambre, reflets cuivrés.
Nez : assez léger et fin, s’ouvre sur des notes d’épices (piment de Jamaïque, cannelle, camphre), de fruits secs et une touche de caramel. Le second plan présente quelques notes forales (iris, rose poivrée) accompagnées de notes de nougat et de fruits au sirop (pêche, cerise). Des notes de cannelle et de noisette soutiennent l’ensemble à l’arrière-plan.
Bouche : l’attaque est modérée. Le milieu de bouche est finement boisé et réglissé avec quelques notes de tabac, de noisettes et de chocolat noir. La finale est plutôt longue, réglissée et épicée (poivre blanc, muscade). Quelques notes de pâte de fruit s’expriment en rétro-olfaction.
Vaudon – XO (environ 20 ans), Fins Bois, 40° (87€)
Couleur : cuivre.
Nez : plus ample, s’ouvre sur des notes de fruits mûrs (pêche, pêche rôtie, poire), d’amande et de poivre blanc. Le second plan présente un profil plus floral et herbacé (verveine, pivoine, pointe de rose). Des notes de bois ciré complètent l’ensemble à l’arrière-plan.
Bouche : l’attaque est douce. Le milieu de bouche est rond et présente des notes de tabac blond, de sucre vanillé, de prune, de datte et de cacao. La finale est assez longue, portée par une belle fraîcheur (eucalyptus, menthe).
François Voyer – XO Gold (10 à 30 ans), Grande Champagne, 40° (123€)
Couleur : cuivre.
Nez : s’ouvre sur des notes de tabac, de pêches de vigne et de camphre. Le second plan est marqué par les épices (muscade, pointe de cardamome blanche et de badiane), de bois ciré ainsi qu’une touche de pignons de pin grillés. L’arrière-plan présente quelques notes d’abricot sec accompagnées de notes d’humus et d’une pointe de fumée.
Bouche : l’attaque est modérée. Le milieu de bouche est assez concentré et présente un profil toasté et boisé accompagné de notes de prune, de fruits secs grillés et d’un léger rancio. Une fraîcheur mentholée et très légèrement réglissée s’exprime en rétro-olfaction. De léger amers soutiennent une finale longue, portée par les épices (muscade, poivre blanc, réglisse).
François Voyer – Extra (10 à 45 ans), Grande Champagne, 42° (242€)
Couleur : cuivre.
Nez : assez expressif et assez rond. S’ouvre sur d’intenses notes de confiture d’abricot accompagnées de muscade et de poivre blanc. Le second plan présente des notes vanillées, de piment de la Jamaïque et de pain grillé. Des notes de rose séchée, d’amande, de mélilot et de bois de santal s’expriment à l’arrière-plan. Un léger rancio soutient l’ensemble.
Bouche : l’attaque est douce. Le milieu de bouche est plutôt rond et intense sur des notes de tarte à l’abricot, de prune et d’épices (poivre blanc, badiane). La réglisse s’exprime en rétro-olfaction. La finale est longue et réglissée avec des notes de poivre blanc ainsi qu’une touche de fumée.
Commentaires
Bien que chaque cuvée exprime des notes aromatiques variées, on note tout de même un registre floral et fruité récurent chez Vaudon tandis que les cognacs de François Voyer s’orientent plus souvent vers l’épice. Les deux marques sont également assez complémentaires avec des eaux-de-vie très convaincantes, qui se livrent facilement même jeunes chez Vaudon tandis que les cognacs de François Voyer s’expriment pleinement à partir du Napoléon (notons tout de même une belle expressivité sur le Terres) et atteignent leur apogée dans le très intense et gourmand Extra. Dans les deux cas, les rapports qualité-prix sont très bons et il s’agira plus d’une question de goût : vous préférez des cognacs expressifs et sexy de Vaudon ou bien la finesse et l’épice de Voyer ? Comme toujours, on apprécierait des degrés d’embouteillage légèrement plus élevés pour révéler le potentiel de ces beaux flacons.
Ce qu’il faut retenir
- Les maisons Cognac Vaudon et François Voyer sont toutes les deux dirigées par Pierre Vaudon.
- Le vignoble est composé d’ugni blanc réparti en Grande Champagne (8 hectares pour François Voyer) et en Fins Bois (62 hectares pour Cognac Vaudon).
- Un système d’assemblage unique faisant appel à des coupes mères des années 2000 et à des coupes filles permettent d’enrichir et de complexifier les assemblages chaque année.
- Les cognacs de Vaudon sont assez gourmands et tendent plutôt vers les fleurs et le fruit tandis que ceux de François Voyer ont besoin de plus de temps pour révéler leur profil épicé et leur finesse.